Les dits du corbeau noir

CINQ NOUVELLES (POUR VOS LECTURES ESTIVALES) BRAN DU 2016 14 07 JUILLET

Lectures estivales 2016 :  textes Bran du

 

 

Vous sont proposés cinq nouvelles :

 

Une Véranda...

Chambre d'hôtel...

Chez Viviane

Une Nuit portuaire...

La "Gitane"

 

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Une véranda...                 Bran du               17 05 2009

 

La véranda

Sous la pluie

Une vigne vierge

Des rideaux bleus

Une table en bois brut

Sur la table, un vase en porcelaine ; bleu lui aussi...

Dans le vase, de vieilles roses...

 

Et,

La jouissance d'être là

Sous cette véranda, à l'abri de la pluie...

Voir, au-dehors, les branches se ployer, et, sur les vitres, l'eau ruisseler...

Se réjouir de l'oeuvre du vent, de son souffle puissant, de l'averse verticale, des trombes qui se déversent, des rythmes qui se succèdent dans les percussions qui tambourinent sur le toi... savourer le flot alternatif de la gouttière qui déborde, de la marre qui grossit au pied de l'auvent...

 

Absorber avec délice tout ce déchaînement des éléments qui ne peut m'atteindre là où je me tiens, mais qui me pénètre sensuellement, émotionnellement, jubilatoirement, voluptueusement même...

 

Oui, il y a de la volupté à jouir de ces forces, de leurs joutes entre ciel et terre, de la volupté à s'approprier, à leurs vues, face à leur fureur, une extase qu'elles ne doivent peut-être pas connaître... (Mais qui sait ?)

 

Le bien-être, la sérénité, m'enveloppent en cette contemplation passive et ce, au-delà et par-delà l'entente « électrique » des éclairs qui secouent et renversent le lit du ciel et transfèrent en mon corps des frissons d'aise et de désir...

 

Rendre lors mon corps « poreux » à cela et « nager » en un contentement exquis, en savourer les minutes qui se prolongent...

 

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Chambre d'hôtel....

 

Elle est là...

Elle ne sait pas vraiment comment il se fait qu'elle soit là,

Mais elle est là,

Sans préméditation à y être...

 

Elle est allongée sur le lit et baigne dans la moiteur de la chambre....

Les volets sont fermés, mais laissent passer des rayons de jour...

C'est, d'ordinaire, une chambre banale, impersonnelle, conventionnelle...

Mais aujourd'hui, c'est différent...

 

Son amant d'une nuit dort à son côté...

Il est plus jeune qu'elle, un reste de sueur perle encore à ses tempes et à son front...

Elle a trouvé qu'il avait un joli rire, un rire frais et émerveillé comme en ont les enfants...

 

Elle va sous la douche...
L'eau ruisselle sur son corps, ravive des émois...

Sa peau frissonne encore dans la plénitude de l'instant...

Comme elle, elle se souvient des marées recouvrant ses rivages, déferlant sur l'étendue de leurs attentes, de leurs désirs...

 

Elle se sèche puis se rallonge sur le lit...

Elle regarde son compagnon nocturne, ses courbes fermes...
Elle écoute ce corps repu dont la poitrine se soulève au rythme d'une respiration apaisée...

Elle se prend à sourire puis sort une cigarette de son étui...

La fumée se dissipe dans la pièce...

 

Maintenant, elle se concentre sur son propre corps...

Elle écoute et regarde cette vie qui est la sienne ;

Cette vie qui va et vient dans les flux et reflux de la nuit...

Cette vie qui s'enflamme et brasille, qui s'allonge et s'étire, se soulève et semble se diluer dans le temps et l'espace...

 

 

Son visage est lumineux, rayonnant... Elle le sait, elle le sent...

 

Maintenant, elle aimerait que s'en vienne la pluie...

(Elle aime tant la chanson de la pluie.)...

 

Alors la pluie s'en vient, comme un poème,

comme un refrain à la chanson douce et maternelle...

La pluie s'envient dans le petit matin et son aube d'amour...

 

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Chez Viviane.... Au Val   16 11 2009     Bran du

 

 

Non ce n'est pas le chemin de Compostelle bien que ce soit assurément celui de la coquille St Jacques pour tous les « péqueux » de la Boulay, de la Ville Pichard et des environs...

 

« Bar de l'Etoile» ; c'est le nom du troquet...

 

Il y vient de drôle de pèlerins, de la première ou de la dernière heure...

La route du rhum ou du petit blanc... Ils connaissent !...

 

Ce n'est pas une constellation au sens habituel du terme ; c'est comme un phare dans la tempête, comme une balise pour les naufragés du cœur, les ennoyés du jour et de la nuit...

 

Personnellement , pour m'y rendre, je préfère passer par l'ancien lavoir de Lesquen transformé en parking vu que sa source d'approvisionnement à été on ne peut plus polluée en amont par les nouveaux riverains...

 

Et puis c'est l'occasion de retrouver encore quelques parcelles des Mont-Colleux, d'ajoncs et de landes, qui résistent comme elles peuvent devant l'assaut conquérant de l'urbanisation galopante !...

 

En cette fin d'après-midi le ciel est couvert et le crachin en profite avec un vent de Nordé qui flâne ici et là (sans empressement pour une fois !)...

C'est l'hiver ; le soleil est parti enfiler ses pantoufles crépusculaires...

 

Question « ambiance », on se croirait dans un paysage à la Barbey d'Aurevilly, mais si je marche dans la vesprée qui s'étend, ce n'est point pour rejoindre « une vieille maîtresse »....

 

L'Estaminet occupe un sommet devant une placette et un micro parterre fleuri qui sert de rond-point...

C'est ici que fluent et refluent les marées qui ont visage d'hommes et de femmes...

C'est là qu'ils déposent, vague après vague, le quotidien des rêves et celui d'une réalité qui leur tourne le dos...

Là, sur le zinc luisant et comme neuf...

Là où s'affalent ou se posent les naufragés de l'existence...

 

La mer est à un kilomètre à vol d'oiseau...

 

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L'antre est petite mais chaleureuse et accueillante...

Il ne manque sur le devant qu'un port avec ses quais et ses bateaux... Pour le reste, on s'y croirait...

 

Selon la saison, ça sent la soupe de pêcheurs...

 

C'est comme un havre ou un môle où l'on s'amarre afin de passer d'un tangage à un autre...

 

C'est un lieu compétent et efficace pour procéder au calfatage des pensées et des songes...

Des petits vins très honorables sortent des flacons de derrière le comptoir... Les crustacés se marient fort bien avec quelques blancs du pays nantais....Et ici on ne maque pas d'étrilles ou d'araignées de mer sans parler des praires, des palourdes, des huîtres et des moules...

 

Sur les murs, un filet de pêcheur est accroché avec des bouées ainsi qu'une carte marine de la Baie de St Brieuc et surtout une photo ; une photo frangée de noir, en mémoire de cinq « péris en mer » qui fréquentaient la « bonne Etoile » laquelle était restée sans emploi ni secours la nuit où le chalutier fit naufrage...

 

Entre le Trégor et le Penthièvre, l'océan continue d'engloutir des marins que pleurent femmes et enfants sous les « pentis » d'ardoise des rivages armoricains...

 

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C'est une petite salle avec quatre tables et une quinzaine de chaises et un aquarium qui attend d'être animé par quelques poissons...

C'est petit donc, mais, comme tout ce qui est petit, c'est grand comme tout ce qui s'offre et se partage de vrai, de juste, de beau...

 

Ce n'est pas l'Etoile qui brille là-bas dans son champ céleste en un autre Finistère, c'est ici, et c'est un bar breton surmonté d'un nom qui brille tout autant pour ceux et celles qui mettent le cap sur ce rendez-vous étoilé comme en d'autres lieux des bergers et des navires se laissent guider dans l'obscurité de leur transhumance terrestre ou océanique...

 

Ce n'est pas pour autant et non plus une crèche avec paille, âne, bœuf, anges, Vierge Marie et enfant Jésus... Mais, c'est là que crèchent les vagabonds célestes, les hommes aux semelles de vent, les bourlingueurs de rêve, les insulaires rebelles et résistants qui refont le monde à coup de mots trempés dans la bière ou le café « arrosé »...

 

Ceux-ci et celles-la qui vont en transhumance de saisons n'ont ni boussoles ni compas. Ils sont très peu à avoir un permis de navigation, mais tous savent l'amer qui se tient là parmi les brumes et les brouillards qui soudain vous enveloppent les sens et le regard et qui vous mettent en perdition...

 

Alors de l'obscurité jaillit une lueur, un pâle, mais réconfortant luminaire vers lequel on dresse sa proue d'attente et de désir...

 

On y est...

On pousse la porte...

On pénètre l'antre bruyante de vie...

On est pénétré par la chaleur du lieu...
Et là,

Sur un coin du comptoir

Viviane se tient

Qui tricote un chandail pour l'hiver...

 

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Une nuit portuaire.... Bran du      Dahouet        29 05 2010

 

 

Les quais sont déserts...

L'eau s'est retirée...
Les lampadaires ne se reflètent plus dans le flux des ondes...

 

Demain les mulets reviendront dans le bief, feront des bonds pour atteindre le déversoir de l'étang...

Il y aura une troisième rose ouverte dans le jardin...

D'autres lilas faneront et perdront leur parfum...

 

La brume ce matin se dévoilait à l'Est...

Dans le camion du pêcheur, j'ai compté huit casiers remplis d'araignées de mer...

 

Je ne suis pas certain d'avoir réussit mon pétillant de sureau cette année...

L'entretien avec le maire et l'adjointe à la culture s'est bien déroulé...

 

J'ai pris un café au bar de l'Etoile et j'ai apporté un croissant à Viviane...

 

Deux couples d'hirondelles ont fait leur leur nid sous le toit de la maison...

 

C'est la nuit ; la nuit de samedi à dimanche...

 

Le port ne vit et ne respire que pour lui-même...

 

Je suis à ma fenêtre...

 

Le ciel est sans étoile...

 

J'ai envie de sortir, de mettre mon corps en mouvement, mais la fatigue est trop grande...

 

Les bateaux se reposent des étraves de la journée...

Des marins continuent de rêver à des sirènes qui n'existent pas...

Notre-Dame à les paupières fermées...

 

Il faudrait laisser le regard aller seul au-devant des êtres et des choses, pas la pensée qui n'en fait qu'à sa tête...

 

Le silence à pris le premier quart...

 

Je n'entends plus les élingues battre contre les mâts métalliques...

 

C'est l'instant où je songe aux femmes qui ont été, à celles qui n'ont pas été, à celle qui sera peut-être...

A nos regards conjugués balayant le quai désert, à l'eau qui remonte maintenant, aux mulets qui vont et viennent au bas de la chute d'eau...

A ceux qui contempleront les roses ouvertes au jardin, les lilas rouillés sur leur hampe, la brume se dénudant et face au soleil les ailes déployées d'un cormoran au repos...

 

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La Gitane... 25 07 2009    Bran du

 

La plaine vallonnée, ceinturée de collines paissait sous le soleil de l'été...

Les insectes vrombissaient et s'enivraient de senteurs capiteuses et voluptueuses...

Les écorces vibraient sous le chant des cigales...

Un homme poussait une brouette chassant les heures devant lui...

L'ombre s'accrochait à ses basques, titubait elle aussi...

 

Un rire frais comme la rosée jaillissait inondant la route poussiéreuse...

 

Manon, on l'appelait Manon ; elle allait comme une source courre vers l'océan de vie...

 

Les fleurs de sa robe dansaient autour d'elle...

 

Le soleil la suivait de buisson en buisson...

 

Au loin, le village se blottissait contre la ferme poitrine des roches...

 

Des lézards couraient sur les pierres chaudes, escaladaient des façades brûlées de lumière...

 

Des vieux dormaient sous la treille comme dorment des enfants dans l'innocence d'un monde où la mort même est un jouet...

(Depuis bien longtemps leurs rêves étaient rangés comme des draps blancs bien pliés dans l'armoire des noces.)

 

Cette route, elle l'a connaissait, elle l'avait dans le sang ; c'était son héritage...

 

Pas un endroit où elle ne se sentit chez elle ; lavandin et romarin parfumait sa chambre au plafond étoilé...

 

Plus qu'un calendrier des postes, le chant de la fontaine lui disait la saison : son rythme, sa chanson...

(Quatre saison et toutes étaient d'amour !)...

 

Ses joues ressemblaient à un amandier au printemps ; une délicatesse de rose et de blanc...

 

///...

 

Lors de la « Grande Guerre », elle était arrivée en ces lieux sur une charrette à banc...

Ses parents et grands parents étaient « gitans », aussi l'appelait-on : « la Gitane »...

 

Ils vivaient de-ci, de-çà et beaucoup de l'air du temps ; rapiéçant la chaise du dit temps et l'usure de sa paille...

 

Ils avaient quittés ce monde pour un autre monde, pour un autre feu de camp allumé en haut de l'univers...

 

///...

 

Dès que le vent se levait, elle dénouait son foulard aux couleurs vives... Le vent, disait-elle, c'est un amant, il aime les longs cheveux des filles...

 

///...

 

Oui, cela est bien connu, quand on est « différent », on fait peur aux braves gens qui n'aiment pas le « sauvage » qui va pieds nus à travers routes, champs et pays...

Toutefois, cependant, on apprécie leur présence quand celle-ci apporte aide et remède... Bienvenues et appréciables sont les bons soins, le geste qui guérit, quand la mort vous titille le sang...

 

Et puis, « l'avenir », c'est toujours bon à savoir... Ce qui peut advenir, faut voir ce que c'est et comment....

 

///...

 

Les abeilles tournoyaient dans les lavandes...
Des figues éclataient à midi...

La rivière, en son lit asséché, avait « nostalgie » des pluies...

Et lors, la rivière d'attendre...

 

Dans la vie, il y a les volets que l'on ferme, des oublis qu'on enferme au cachot de minuit...

Il y a les enfants que l'on n'a pas eu ; tout ce que l'on a cru, les portes que l'on referme sur ce qui fût et qui n'est plus...

Des regards plombés, secs, désertés de désirs et d'envies...

 

///...

 

Un matin ou un soir, qu'importe, l'heure ne compte guère...

passe un corbillard avec des hommes, des femmes, qui ont le cœur en berne....

Le noir un instant semble l'emporter sur les vêtures de lumière...

 

De son promontoire, elle, la « Gitane », crie comme buse et corbeaux en colère éclaboussant le silence du ciel...

 

Elle n'aime pas le noir des curés ou des notables qui s'enterrent mutuellement entre eux... Sans se soucier de ceux qui veulent rester dans la Lumière...

 

S'ils étaient des anges pour applaudir, elle danserait, c'est sûr et certain, elle dévoilerait même ses seins pour les offrir, nus et sereins, au joyeux de l'azur...

 

«  -Que le diable les emporte dans son paradis ! » ; c'est ce qu'elle crie la « Gitane »....

 

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Juteuse est la pêche gorgée de rayons solaires....

 

Et si fraîche l'ombre odorante du figuier...

 

Toute la noirceur du monde disparaît sous la blancheur des pierres qui roulent sous les pas légers de la « Gitane »...

 

Elle qui connaît depuis si longtemps le chemin qui mène au ciel !

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14/07/2016
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