Les dits du corbeau noir

DES DRUIDES BRETONS (SUITE 8) MEMOIRE LICENCE III CLARA ROCHE 2020 NOTES BRAN DU 22 06 JUIN

 

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 Un petit tour en Irlande pour agrémenter l'article  Photos Bran du

 

 

 

 

 

Des Druides Bretons ( SUITE 8) Clara Roche

notes Bran du 21 06 2020

 

 

Certains enquêtés s'inquiètent, en plus du manque de pondération de leurs collègues, du manque de sagesse, de sérieux et d'implication dans le travail effectué et du manque de bonne volonté dans l'aspiration à s'enrichir les uns les autres. Il semblerait que la dimension réjouissante et divertissante prenne parfois sur le caractère réfléchi et profond d'un tel événement, et que les fédérations ne sont pas pérennes ; et les réflexions élaborés ensemble s'évaporeraient dès la fin de la rencontre, personne ne voulant assurer une quelconque continuité (si tant est que l'un voudrait, il serait, nous l'avons vu, accusé par ses pairs de vouloir diriger.)

 

 

DI : « Dès fois on dirait qu'on est en colonies de vacances ! »

 

WI : « Moi, j'ai rien contre les anniversaires, mais on va passer pour des gros cons. 1717 serait discrédité (…) Ce rassemblement à une dimension festive pour certains, mais on se raconte des choses quand même entre deux canons.

 

 

NOTE BD : Pour ceux qui pourraient se sentir concernés par les premiers propos cités, les quatre journaux bretons dont Ouest France ont suivi les festivités commémorant les 300 ans de réactivation de la Tradition des druides et ce, pendant les 4 jours avec pleine page pour certains sans qu'à aucun moment et qu'en aucun article la Tradition n'ait été « dévalorisée » ou même « moquée » bien au contraire !

 

Toutes les matinées étaient entièrement consacrées à des sujets débattus concernant la Tradition !.... Ce rendez-vous exceptionnel (par le nombre de visiteurs et de cheminants aussi) a été à la fois un « devoir de mémoire et d'hommage » autant qu'un « devoir de devenir »  en rapport avec un état et un constat présent.

 

La Tradition a été bien servie (sauf par les « volontairement » absents dont les dénigrements préalables systématiques n'ont pas manqués de fuser !)...

 

 

 

AC : Ça arrive de temps en temps ! Alors au départ, c'est de très bonnes intentions, il y en a qui ont marché, on s'est retrouvé à 200 deux/trois fois. C'est pour travailler, échanger et terminer sur une cérémonie ! C'est arrivé parce que justement ça ne tient pas dans le temps, évidemment on veut quand même réessayer. Tant qu'il s'agit de montrer le projet tout le monde est enthousiasme, pour le vivre encore, et rentrés chez soi, c'est fini. Donc on remet ça 10 ans après, ce qui fait en 40 ans on est à quatre tentatives de rassemblement. »

 

 

Lors d'un rassemblement de druides venant de différents collèges, qui a eu lieu il y a quatre ou cinq ans dans le Limousin, un travail conséquent de mise en commun a été effectué, et a abouti à l'établissement d'une charte. Ce document, élaboré par cent vingt personnes en provenance de vingt trois collèges différents, a pour ambition d'accorder les avis sur ce qu'un druide est ou n'est pas.

 

 

EM : « On est parti du principe qu'il est déjà plus précis et facile de dire ce qu'on n'est pas que ce que l'on est. Les différents collèges qui ont participé à cet ouvrage en sont dépositaires. Cela permet à un adepte de savoir où il met les pieds et le cœur. »

 

 

TH : «  Lors de l'une de nos tentatives de réconciliation un peu nationale on avait fait un tableau avec les mots importants pour nous, et les mots que l'on supprime complètement. Il y avait : « reconstructionnisme, écologique, féminisme, traditionnel, social, solidaire. » Évidemment chacun met un certain nombre de choses derrière son vocabulaire, les mots sont importants, ça fait aussi partie du travail de barde de les choisir.

 

 

Le partage du même titre, celui de druide, est donc un aspect sur lequel certains d'entre eux aspirent à s'accorder. Si cela peut effectivement s'inscrire dans la volonté d'unifier les pratiques et les idéologies des druides, cela peut surtout rendre compte d'une autre intention bien moins normalisatrice, qui est celle de la reconnaissance mutuelle entre les druides et de l'entente sur la définition de ce titre. « Les groupes ont partie liée avec les mots qui les désignent : en effet, le pouvoir d'imposer la reconnaissance dépend de l'aptitude à se mobiliser autour d'un nom. » (P Bourdieu).
La capacité à se reconnaître et à s'admettre réciproquement peut en effet augmenter en augmentant une définition commune du druide.

 

Si les tentatives de fédération de plusieurs collèges de druides, sous la forme d'une cérémonie commune ou d'un festival, sont pour certains enquêtés, vouées à l'échec, il n'en reste pas moins que d'autres formes de rassemblement existent, et qu'il est utile de les mentionner. En effet, certains collèges druidiques sont très importants, comptent beaucoup de membres et sont parfois très éloignés géographiquement. Des réunions sont alors organisées, plus ou moins régulièrement selon les groupes, afin de se rencontrer, de partager ses expériences, ses difficultés, ses connaissances, etc.

 

 

 

 

 

 

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AU : «  Tous les ans, un pays celtique est mis à l'honneur. On parle de sa culture. Il y a une grande cérémonie avec une réception du barde et des écrivains de l'année. L'an dernier, c'était la Bretagne. Alors j'ai écrit le discours. On donne ce qu'il se passe en Bretagne sur le plan culturel à ce moment là, éventuellement sur le plan politique si ça concerne expressément la Bretagne. »

 

 

TH : « C'était à Stonehenge pour le solstice d'été, une grande cérémonie ! Entre 4000 et 5000 personnes qui battent du tambour et qui dansent, en attendant le lever du soleil entre les pierres de Stonehenge, c'est exceptionnel ! »

 

 

Il peut également arriver que les druides enquêtés, qui se connaissent et se fréquentent, se rassemblent autour d'une cause commune, et élaborent une cérémonie ensemble.

 

 

AU : «  Il y a eu des recherches minières, alors on fait une cérémonie publique de protection du site. »

 

 

AC : «  Les gens viennent de sept ou huit collèges différents pour une opération magique. On a demandé de bloquer le projet d'exploitation de mines en Bretagne. Pour être opérationnel, il fallait qu'on soit en parfaite harmonie, venant de huit groupes différents, c'était pas gagné ! A d'autres occasions ça n'a pas marché d'ailleurs. L'idée c'est de bloquer par des forces invisibles un projet de loi, mais il faut être juste dans sa demande et sur la même longueur d'ondes, c'est difficile. »

 

 

Ce type d'opération, qui réunit alors des druides autour d'une lutte commune, à un effet fédérateur bien que très éphémères . Les druides mettent de côté leurs différents et allient leurs forces pour contrer un projet de loi, faire entendre une revendication dans laquelle ils se retrouvent tous. Ces opérations étant parfois médiatisées, certains y verront une manière de faire reconnaître et admettre publiquement l'existence des druides comme une seule et même entité, et ainsi s'attribuer « une place dans l'ordre social et échapper à l'existence bâtarde. » (P Bourdieu). Selon un enquêté, c'est d'ailleurs ce genre d'événement qui poussera les druides, à terme, à rassembler leurs forces. 

 

 

TH : «  on aura un choc social qui nous obligera à faire front ensemble, à ce que l'union fasse la force, un effondrement de la société, un gros choc écologique. Ça pourrait aussi être quelqu'un serait condamné judiciairement parce qu'il est druide, ou une grande campagne anti-secte qui nous viserait par exemple. Nécessité ferait loi. Bon, ce serait dommage d'en arriver là, d'avoir besoin de ça pour se réunir, mais c'est pas impossible. L'humanité ne fonctionne qu'aux coups de poings dans la tronche. »

 

 

L'hypothèse de départ selon laquelle il existerait une entité unique qui régirait les pratiques de tous les druides a rapidement été évincée. Les tentatives de fédérations ; perçues comme des échecs par tous les enquêtés, dévoilent la complexité à organiser et faire perdurer dans le temps de tels événements, dont ils déclarent d'ailleurs pouvoir se passer. Les druides s'organisent donc en collège, déclarés ou non, qui s'inscrivent dans une généalogie, dans une filiation spécifique. Cela confère aux membres une ligne à suivre en matière d'organisation du groupe (administration légale, mais aussi organisation des grades de manière officielle ou officieuse), en matière d'initiation et de pratiques rituéliques.

 

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Les matériaux mobilisés dans chacun des groupes ne contraignant pas les croyances des uns et des autres, mais les guident naturellement vers une sorte d'harmonie que l'on retrouve d'ailleurs en cérémonie, dont l'objectif est d'accorder les pensées de chacun par l'intermédiaire d'une structure commune.

L'appartenance même à u collège de druides, en ce qu'ils sont tous plus ou moins connus des uns et des autres, suscite d'ailleurs la reconnaissance ou la légitimation des druides qui le constituent, et cela opère donc comme un système de classement entre eux.

 

 

L'héritage reçu par la filiation, lors du parcours initiatique et par les collèges procure de toute évidence une certaine manière d'appréhender la tradition des druides et la façon dont celle-ci devrait être organisée. Néanmoins, il est primordial de mentionner que les expériences et les opinions diverses des uns et des autres impactent assurément leur appréhension du druidisme, en même temps que cela les distingue entre eux.

 

 

 

 

III Différentes Perspectives et perception des différends

 

 

Les pratiques des druides, si elles sont inspirées et induites par le collège auquel ils appartiennent et par la lignée dans laquelle ils s'inscrivent, sont également soumises à la manière dont les druides perçoivent le monde, le vivent, l'explorent, le comprennent et l'appréhendent. En effet, une telle tradition ne peut faire évoluer ses membres en dehors de la société dans laquelle ils vivent, aussi séculaire soit-elle. Les druides sont, naturellement, empreints de représentations et de convictions sur lesquelles ils se séparent ou se rejoignent et qui ont plus ou moins d'influence sur leurs pratiques proprement druidiques. Cela peut d'ailleurs faire l'objet de réprobation lorsque certains jugent des attitudes trop déviantes. Il s'agira donc d'étudier les interférences entre le domaine spirituel et les autres domaines de l'action sociale, dans le monde profane.

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A Druides et pensées politiques

 

 

Un groupe spirituel ou religieux, quel qu'il soit, ne peut pas ne pas avoir un effet politique sur ses membres, même s'il prêche la neutralité par rapport aux affaires de la cité, car il « véhicule une certaine vision du monde social » (JP Willaime) dans le cas où cela n'est pas explicite. Les druides qui ne vivent pas en ermites, sont éminemment partie intégrante de la société civile, et ont, en ce sens, des convictions politiques bien ancrées dans un contexte socio-culturel spécifique. « Sur le plan des orientations politiques telles qu'on peut les saisir à travers l'étude du comportement électoral, les sociologues constatent que la variable confessionnelle est toujours importante. » (Ibid)

Mais avoir des convictions politiques, un regard particulier sur la société n'implique pas nécessairement un engagement politique éloquent.

 

 

Note BD :   On se souviendra que le Grand Druide de la Gorsedd de Bretagne Gwenc'hlan le Scouëzec a été l'un des « créateurs » du parti communiste breton.

 

 

Certains druides n'attribuent pas un rôle politique à leur collège, ce qui n'empêche pas de discuter des opinions de chacun. Tout citoyen vivant dans une société donnée est de fait inscrit dans une dynamique politique, puisque les affaires de la vie sociale le concernent et qu'il « s'inscrit dans l'économie générale des rapports sociaux qui caractérisent une société.» (Azria R et Hervieu-Léger. D)

 

 

Cependant le pouvoir politique détenu en ces termes est finalement très restreint, et est à distinguer de la politique politicienne qui pratique et dispose du pouvoir. Les druides peuvent, par conséquent, choisir de discuter de leurs convictions et conceptions de la situation socio-culturelle, économique et écologique au sein de leur collège de la même manière qu'ils les discuteraient avec des personnes n'appartenant pas au monde druidique.

 

La plupart des druides interrogés, néanmoins, on fait le choix d'écarter cette question des préoccupations et des discussions au sein du collège pour les mêmes raisons que l'on ne remet pas en cause les croyances d'un de ses pairs à l'intérieur du groupe. Les collèges et les cérémonies ont vocation à relier et à connecter au-delà des préoccupations profanes. S'étendre sur ces dernières ne servirait en rien l'objectif de cohésion.

 

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Notes Bran du : On ne saurait oublier le rôle fémininement « politique » qu'on tenu les druides de l'Antiquité au sein de la société celtique dont ils assuraient la « cohésion » communautaire...

Pour des raisons évidentes de respect des croyances et des opinions la pratique « politique » est généralement et très largement exclue au sein des collèges et clairières et cette exclusion est notifiée dans les statuts ou règlements intérieurs...

 

Aussi le druide n'alimente pas et ne pratique pas de « politique » interne dans son collège, mais il n'en demeure pas moins « extérieurement » un homme ou une femme éminemment « politique » au sens Grec du terme, soit une personne soucieuse du bien être et du mieux être de tous et de chacun dans la cité des Femmes et des Hommes.

D'où, par exemple, divers engagements et investissements bénévoles de sa personne « citoyenne » dans l'action sociale et la recherche d'une meilleures qualité du « vivre ensemble » au sein de sa commune...

 

...///...

 

 

EM : « La politique politicienne est exclue de toutes les chartes collégiales, ainsi qu'un certain nombre d'attitudes qui ne sont pas compatibles avec l'esprit même de la Tradition, il y a une éthique dans ce domaine là. C'est quand même et heureusement, une dimension ultra-libertaire. »

 

 

WI : «  C'est plus une espèce de vigilance citoyenne. Quand tu es de la classe sacerdotale, tu es pas aristocrate. Tu as des opinions mais tu participe pas. Et puis le militantisme, c'est dogmatique. »

 

 

AU : «  C'est pas mon rôle, on a une dimension politique, mais elle est pas partisane. M'enfin en général, les gens sont quand même d'accord en ce qui concerne la Bretagne. »

 

 

Notes Bran du : on n'oubliera pas que pendant une période bien pénible pour nous un parti politique « extrême » à tenté d'infiltrer bien des collèges et clairières afin d'en soudoyer les membres et de les convertir à ses idées. Ce fût un échec certes pour eux mais cela nous a valu parfois d'être rapprochés de ce parti et il en reste hélas des reliquats préjudiciables....

On notera cependant la parfaite unité de rejet de cette tentative par les groupes druidiques....

 

 

Dans l'antiquité les druides avaient un rôle crucial dans la politique et dans la prise de décision, auprès du roi, ainsi que dans la gestion de la vie sociale de manière bien plus globale. Si cette classe sacerdotale a inéluctablement perdu son influence, certains enquêtés pensent ne pas pouvoir séparer la vie spirituelle de la vie politique, et devoir ainsi continuer à impulser une dynamique politique, à une moindre échelle, celle de leur groupe. Le druide étant l'administrateur du groupe, le preneur de décision et le modèle à suivre, dans la progression initiatique druidique, il a réellement une position charismatique qui ajoute à ses positions une valeur nettement plus considérée.

 

 

DI : «  Chaque collège à une philosophie en rapport avec son grand druide. Ça donne forcément des orientations différentes.

Après, quand on est dans un mouvement druidique, on parle de druidisme, on parle pas de politique non plus. »

 

 

LE : «  Il y a des druides qui se tiennent en dehors des partis, moi, je suis pas encarté, mais le druide antique avait sa place dans la politique, c'est lui qui la gérait. On peut pas séparer ! Les idées de celui qui va postuler sur le plan politique et social, c'est important. »

 

 

AU : «  Parler de politique, c'est se substituer aux hommes politiques, mais couper le truc en disant : « Il faut laisser le spirituel et l'ésotérisme et laisser le politique aux politiques », c'est un peu léger quand même. »

 

 

Les collèges des druides ont, dès lors, une ligne politique explicite ou non qui tient aux positions du grand druide. Si les membres du groupe ne le partage pas, le sujet sera tenu à l'écart de la vie spirituelle et rarement abordé. En revanche, s'ils les partagent, les soutiennent et les entretiennent, alors la vie spirituelle du groupe se mêlera à la vie politique, qui se serviront réciproquement et mutuellement. C'est notamment le cas de la Gorsedd de Bretagne, historiquement reliée au mouvement régionaliste et indépendantiste. La question identitaire est d'une importance fondamentale, en ce que se mêlent ici l'identité bretonne et l'appartenance à un groupe social et spirituel qui sont de toute évidence des marqueurs identitaires. « L'existence d'une religion commune ou largement partagée s'avère un facteur qui facilite le passage à la mobilisation » ( Azria R et Hervieu-Léger D), et vice versa.

 

Par suite, le fait d'être druide à la Gorsedd de Bretagne implique la reconnaissance de la Bretagne comme pays celtique, l'adhésion à l'identité bretonne, la pratique de la langue et d'une spiritualité dite du terroir. Ces éléments prédisposent indubitablement les membres à se retrouver dans les revendications régionalistes ou indépendantistes bretonnes. Réciproquement, le fait d'adhérer aux revendications précédemment citées implique la volonté de sauvegarder la langue, le patrimoine, le corpus culturel.

 

La tradition des druides apparaît donc à la fois comme un élément constituant de la culture bretonne en même temps qu'il s'agit d'un moyen de la préserver. C'est un phénomène d'influence réciproque, où les marqueurs identitaires et les convictions politiques des uns et des autres, ont une importance considérable.

 

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WI : «  Il y a quand même une certaine idée de régionalisme à la Gorsedd, c'était leur ADN. »

 

 

AU : «  C'est très militant breton comme rite. Quelque part je suis le représentant du peuple breton dans sa spiritualité, dans sa tradition, dans la mise en exergue de l'origine celtique. Donc cette position là elle se trouve dans le politique au sens de la vie de la cité . J'encourage à chaque fois à voter pour les régionales. La Gorsedd suit la revendication d'une Bretagne à 5 départements, c'est une position politique minimale, question de principe. Je suis citoyen français, ça me donne des droits et des devoirs, j'ai toujours voté, mais culturellement je ne suis pas français. Je considère la culture française comme une culture étrangère. »

 

 

AC : «  A la Gorsedd ils sont sur le plan régionaliste breton, ils sont dans leur bulle, et puis voilà. J'ai été candidat deux fois sur des listes bretonnes régionales ? Je suis pour l'autonomie, mais attention au vocable ! L'indépendance, non, mais plus de régionalisation au point d'avoir une autonomie comme certaines régions l'ont, oui ! Je suis européen, mais pour une Europe des régions plutôt qu'une Europe des États. Qu'on soit pas toujours obligés de passer par Paris. »

 

 

DI : «  Moi, je suis indépendantiste, je suis Européen mais avec une indépendance de région dans le cadre de l'Europe et pour la fin des Etats-Nations. Je considère que la France est le pays qui me sépare de la Belgique. »

 

 

Notons que certains enquêtés se retrouvent dans les mouvements indépendantistes et/ou régionaliste, sans pour autant être membres de la Gorsedd de Bretagne. Ces druides ne sont pas pour autant moins engagés que ceux de la Gorsedd, mais ils séparent probablement davantage leur vie spirituelle de leur vie politique, et n'utilisent pas leur groupe druidique à des fins politiques.

 

 

Il arrive, dans certaines circonstances, que des collèges druidiques, prennent position publiquement pour ou contre des réformes, des projets de loi, etc. En effet, « même s'il y a une diversité réelle d'orientations politiques dans un même monde religieux, il y a certaines affinités entre vision religieuse et vision politique. » (Azria R et Hervieu-Leger.d).

 

Nous avons vu, dans la partie précédente sur les cérémonies inter-collèges, l'exemple de la prise de position contre un projet de mines en Bretagne. Il s'agissait là effectivement d'un cas particulier puisque toute prise de position ne donne pas lieu à une cérémonie et à une rencontre entre les druides de plusieurs collèges. Souvent il s'agit d'un communiqué de presse relayé par les médias et les réseaux sociaux.

 

 

AU : «  On a pris position pour condamner la mise à l'index des Roms en France sous Sarkozy. Ce serait beaucoup plus simple d'aller faire une grande proclamation sur le sommet d'une montagne mais je suis pas sûr que ça suffise. »

 

LE : «  Un druide en Bretagne avait appelé à réagir contre le communautarisme islamiste en créant une communauté celtique. Je trouve ça grave, ça monte encore plus les gens les uns contre les autres, et à un moment ça va saigner. Je lui avais répondu «  je m'inscrirai pas là-dedans parce que je suis contre tous les communautarismes quel qu'ils soient. »

Ça peut être sur le problème de l'immigration, ils avaient pris fait et cause pour le lot qui est fait aux migrants, j'ai été les soutenir une fois pour protester contre l'installation de mines, ils prennent parti pour de grandes causes humanitaires, écologiques, politiques. Moi ouvertement je vais pas le faire. Mais ils ont raison, parce que finalement ils sont dans le siècle, donc ils peuvent donner leur avis ! »

 

 

Si les druides ont des convictions politiques très variées, tous les enquêtés se rejoignent sur une cause qu'ils considèrent être commune : l'écologie. En effet, la défense de l'environnement, le fait d'être à l'écoute de la nature, de se relier à elle sont des principes fondamentaux de la tradition des druides. La pratique de la tradition des druides est-elle déjà une manière de militer pour l'écologie ?

 

Les enquêtés, s'ils se rejoignent sur le caractère inhérent de l'écologie à la tradition des druides, ne partagent pas la même appréhension du militantisme ; pour certains, c'est le fait d'avoir des pratiques en accord avec ses propres valeurs, pour d'autres il s'agira d'un réel engagement pour une cause auprès d'un collectif lorsqu'il s'agira( ?), pour d'autres encore, d'un dogme. En tout état de cause, l'écologie est un principe sur lequel il est nécessaire de s'attarder en tant que druide.

 

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EM : «  On est des écologistes avant l'heure, avant même que le terme fut inventé. L'écologie, ça fait écho dans notre logis ! »

 

 

TH : «  C'est de l'écologie religieuse, enfin spirituelle. Ma mission druidique est une mission écolo, il faut ramener l'homme dans son environnement et pas comme maître de son environnement. En ville ça veut dire repenser l'urbanisme par exemple. Statistiquement, une grosse partie des gens sont adeptes d'un altermondialiste, d'une écologie prédominante évidemment et d'une égalité sociale qui soit plus juste. »

 

 

AC : «  Moi je m'engage, mais ce sera plus dans la défense de l'environnement (…) Il se trouve qu'aujourd'hui une majorité de gens sont impliqués dans la défense de l'environnement, mais si on le fait pas nous... C'est quand même l'un de nos piliers. »

 

 

Si la préoccupation écologique fait consensus chez les druides, il n'en reste pas moins que certaines prises de position, convictions ou lignes politiques sont lourdement condamnées par les druides, qui ne souhaitent sous aucun prétexte y être associés ou apparentés. En effet, puisqu'il n'existe aucune entité pour réguler les collèges druidiques, le partage du titre de druide a ceci de scabreux : s'ils son t tous désignés par un même mot, les aspirations politiques des uns et des autres seront confondues, et les plus dangereuses seront retenues et appliquées à tous.

 

 

AU : « L'analyse est simple pour certains : le druidisme est une croyance primitive de l'Europe blanche, quand on dit ça on a tout dit. Le gros problème est de faire attention à la récupération d'extrême droite. Certains considéraient que le cri des druides dans le temps c'était « Sieg Hell » ! Je ne serai jamais mêlé à ça, et si c'est une escroquerie intellectuelle qui consisterait à dire qu'il y a une unité dans le druidisme à tout prix, non. Je ne crois pas à la supériorité de la race celtique, je ne crois pas à la supériorité de la race blanche. Je n'accepterai jamais de me retrouver dans ce genre de truc. »

 

 

E M : « Pour notre malheur, il y a 25 ans , l'extrême droite nous est tombée dessus. On nous a accroché cette casserole au cil contre notre volonté. Ils ont infiltré bon nombre de collèges dans le but de les réorienter politiquement. Ça nous a été très négatif et très préjudiciable. Dès qu'on parlait de druidité on te raccrochait la croix gammée, faut vivre cela ! Le mouvement breton s'est aussi un peu mouillé avec les nazis pour l'autonomie et on a fait payer cela pendant trente cinq ans à la Bretagne. Enfin moi je connais pas de choses extrêmes qui promettent de l'équilibre ! »

 

 

LE : «  On peut pas être dans les extrêmes. On a des gens qui filtrent avec les franges extrêmes, on a des fachos, mais la majorité des druides d'aujourd'hui sont des babas cool soixant-huitards attardés, ça aussi ça me gonfle. »

 

 

La récupération du druidisme par l'extrême droite est un sujet sur lequel les druides sont très vigilants et qu'ils considèrent comme une pratique déviante à laquelle ils ne veulent sous aucun prétexte être associés. Ils s'opposent d'ailleurs avec ferveur aux chercheurs qui tenteraient de montrer une certaine unité dans le druidisme, par crainte de se voir incorporés à des idéologies qu'ils dénoncent. C'est dans ce sens que l'idée d'unité leur semble pernicieuse.

 

 

De plus, l'unification rendrait possible l’institutionnalisation du druidisme en France, et la reconnaissance par l'Etat français de celui-ci. La plupart des druides enquêtés ne trouvent aucun avantage à avoir un statut reconnu par la société, même dans le cas où les druides ne seraient pas assimilés aux idéologies d'extrême droite. En effet, la reconnaissance par l'état impliquerait la formation d'un corpus établi de normes et de dogmes auxquels les druides n'aspirent pas pour conserver la diversité idéologique qui constitue la singularité de la tradition des druides.

L'Angleterre a reconnu le druidisme comme un culte officiel, et s'inscrit en cela dans la même dynamique que d'autres gouvernements qui « insistent sur l'importance des héritages religieux dans l'identité civilisationnelle de l'Europe. Mais la façon d'exprimer cette identité suscite bien des débats au sein des mondes religieux et laïcs. » (Willaime JP)

 

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Note BD : Il ne semble pas que le druidisme ait souffert d'une quelconque façon des reconnaissances étatiques en Angleterre, au Québec ou au Portugal par exemple !

 

 

AC : « La Reine d'Angleterre et le prince Charles sont druides d'office, c'est une tradition typiquement britannique. C'est un titre un peu anecdotique. L'Angleterre est le seul gouvernement qui a reconnu une réalité cultuelle (Avec le Québec et a priori le Portugal NDR) Certains voudraient que ce soit aussi reconnu en France, moi, c'est pas mon problème, je vais pas me battre pour cela. Même s'ils le faisaient, je ne sais pas s'ils comprenaient ce qu'on fait. »

(Winston Churchill a été reçu également dans le cercle du Druid Order NDR)

 

 

DI : «  C'est complètement aberrant, c'est pas la peine d'être druide pour faire la même chose que les autres, c'est une espèce de main mise sur la pensée druidique. Ça veut dire qu'on fonctionne comme les gens qu'on combat, c'est tellement prosélyte et syncrétique les mouvements anglais, je pense qu'ils recherchent le gourou et le pouvoir bien plus que la pensée. Je ne suis pas trop d'accord avec ce druidisme là. »

 

 

Note BD au Québec le gouvernement a établi une charte sur la laïcité et seuls les druides ont signé celle-ci. Les Elus ont demandé à recevoir les trois responsables signataires des trois collèges différents mais « unifiés » dans ce cadre et à les écouter...

Ainsi les Druides ont expliqué ce qu'était le druidisme et ce qu'il ne saurait être et cela leur a valu une « reconnaissance » de la part des élus qui ont découvert à cette occasion une tradition qu'ils ignoraient et dont il ont reconnu les « valeurs » et « l'éthique ». Cela n'a en rien impacté négativement le druidisme bien au contraire !

 

 

LE : «  En Angleterre les druides ont une forme de reconnaissance en 2010, moi j'aimerais qu'on ait cette forme de reconnaissance.

 

 

TH : « En Angleterre, on peut avoir un aumônier druidique en prison, une tombe druidique. Je suis pas sûr que ce soit nécessaire, l'important, c'est le travail qui est fait indépendamment du titre.. Qu'on soit reconnu par la société ou pas, l'important c'est qu'on apporte notre aide à la population. »

 

 

Selon certains enquêtés, les druides, qui avaient dans l'Antiquité une place majeure dans la société, retrouveront une certaine considération par les profanes. Selon eux, la perte de pouvoir de la classe sacerdotale n'est pas fatale, et c'est exactement cette même classe qui retrouvera du pouvoir lorsque la société sera désabusée du pouvoir politique.

 

Cette dynamique, qui tend à attendre un changement sociétal majeur, et une prise de conscience collective s'inscrit dans l'idéologie selon laquelle la classe sacerdotale serait nécessaire à la société, et lui permettrait de retrouver du sens et de l'essence dans son organisation même. La tripartition sociétale dumézilienne est mise à l'honneur par ces druides, qui espèrent une restauration du pouvoir de la classe sociale.

 

 

EM : «  La communauté de destin planétaire nous interpelle fortement en tant que druides. Je ne dis pas que la druidité est la réponse, elle est un fragment du morceau de la vérité de la réponse, parmi d'autres cultures, d'autres héritages. »

 

 

DI : «  Les politiques n'ont aucune volonté de laisser un pouvoir sacerdotal se faire. Je suis pour un autre système, et ça devra faire appel à une fonction sacerdotale, et c'est ça mon rôle de druide à moi. Quand l'économie ne sera plus capable de gérer un peuple, la fonction sacerdotale sera nécessaire à la survie de la population ou alors ce sera la révolte. Il est évident que ça va mourir, il faut attendre. Il faut se mettre dans des réseaux pour les influencer, être patient. Les politiques n'auront plus le choix, on va retrouver notre place sacerdotale. Moi, je la retrouve un peu plus tous les jours. Il faut attendre qu'ils se cassent la gueule tout seuls. »

 

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Note B D : « La tripartition de la société celtique ancienne favorisait un équilibre sociétal et communautaire où chaque classe s'efforçait de ne pas faire ingérence chez les autres... Chacun tenait sa place au sein d'une interdépendance fonctionnelle et était « encadré » par des mesures émanant de la classe sacerdotale évitant des débordements...

 

La disparition du « politique » (au sens Grec du terme) ramènerait la société à son état duel avec toutes les problématiques que cela suscite ce à quoi d'ailleurs elle est déjà douloureusement confrontée par la diminution croissante de la dimension spirituelle et sacrée et des représentants et influences positives de celle-ci.

 

Il est vrai que la matérialité « financière » est devenue la régente du monde et des peuples et que sa gouvernance est une confiscation des sociétés dites démocratiques et des votes citoyens !!! L'hégémonie financière est telle que la matérialité triomphe au détriment de tous les équilibres et génère les plus terribles effets....

 

La société de demain ne connaîtra aucun changement si les dimensions spirituelles, philosophiques, culturelles, artistiques , scientifiques, politiques et sociales ne sont pas remises à leur juste place et ne fonctionnent pas en « symbiose » entre elles....

 

L'Etat actuel de nos sociétés déçoit la majorité des aspirations humaines les plus légitimes et les frustrations engendrées par l'absence des essentialités attendues et espérées renforce les questionnements et les interpellations majeures et une conscientisation qui voient de plus en plus le jour sans que les institutions étatiques ne répondent pour autant et positivement à ces légitimes et vitales aspirations...

 

Nous allons vers des conflits de plus en plus rudes et antagonistes et vers une dislocation et des fractures sociales majeures qui par ailleurs suscitent une demande grandissante et salutaire de changement de paradigme sociétal remettant tout à plat mais en pensant les choses différemment de la pensée qui les a installées...

Nous avons en cela un rôle à jouer, modeste certes mais à la hauteur de ce qui anime en tant que valeurs, sagesse, spiritualité, humanisme et éthique notre Tradition.


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Qu'il s'agisse d'un idéalisme alimenté par le désir d'un changement global, ou du besoin de retrouver une certaine considération sociétale, ces druides aspirent au renouveau de la classe sacerdotale influente et puissante qui existait dans l'Antiquité. « les individus ou les groupes en déclin réinventent éternellement le discours de toutes les noblesses (…) parce qu'ils ne peuvent rien attendre de l'avenir que le retour de l'ordre ancien dont ils attendent la restauration de leur être social. » (P Bourdieu)

 

Les enquêtés ayant abordé cette question n'ont cependant pas mentionné la potentielle difficulté à créer une classe sacerdotale unie, dans une période de grande diversité spirituelle et religieuse...

 

 

Note BD : il est vrai que les druides n'étaient pas constitués en institution et encore moins en « clergé » ; chaque druide officiant au sein de sa communauté d'appartenance et dans tous les nombreux domaines dont il avait la charge.

Au même titre que les Celtes refusaient la notion d'Etat-Nation , la confrérie ou compagnie des druides a refusé une centralisation structurée de leur « corporation ». Ils se réunissaient périodiquement entre eux afin de faire le point dans tous les domaines de leurs activités mais retournaient après dans leur population d'appartenance...

 

Les druides se tiennent donc au cœur, au centre, de la citée des Femmes et des Hommes et opèrent auprès d'eux les services et besoins attendus de leur part....

 

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A SUIVRE...



22/06/2020
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