Les dits du corbeau noir

FLEURS D'ENCRE BRAN DU 2002 2016 04 08 AOUT

Voici un hommage rendu aux cinéastes du soleil levant (Japon, Corée...)

 

Avant que de rentrer dans une parenthèse de récupération prolongée jusqu''au 21 août, je vous offre ces instants d'intense entendement et complicité avec la vie... Bonne et agréable lecture...

 

 

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Dessins Bran du

 

 

FLEURS D'ENCRE

Poème, haïku et Illustration Bran du

(2002)

Dessins d'après l'oeuvre de Hokusaï

et compositions personnelles

 

Trois parties sont proposées à la lecture :

Les textes inspirés par le film de Tran Anh Hung le réalisateur de « l 'Odeur de la Papaye Verte ».

Ceux inspirés de Int the Mood For Love de Wong Kar-Waï

Et ceux inspirés par « le Chant de la Fidèle Chunkyang » de Im Kwon Taek

 

///...

 

Les jarres, comme une réunion de famille.

Elles semblent tourner encore sous la main du potier ;

elles se souviennent qu'elles donnaient le bras à l'argile du fleuve...

Les jarres ; toutes en rondeur avec leurs grosses lèvres de carpes.

Leur pénombre avale des grillons dont le soleil recrache le chant...

 

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Les palmes ; la vie qu'elles tamisent dans l'interstice de leurs nervures...

Les palmes et leurs ombelles de cour ; les palmes, toutes et toutes, à leur filtre d'amour...

La lune seule se porte vers le breuvage...

 

Le dallage, de neige et d'azur, ciré comme des alvéoles d'abeilles...

Les sens en sommeil derrière leur opercule et le bourdonnement du sang qui s'apprête pour sa reine...

 

Les enfants jouent sur une mosaïque de lumière, accrochent les fleurs du soleil dans les branches de leurs rires...

 

Les venelles de bambou...
Des roses parfois ouvrent un portail...

Des pétales au sol comme autant de regards furtifs...

 

Comme des nids d'hirondelles, des paniers tressés pendent au mur...

On dit qu'une fois, le printemps y a niché !...

 

 

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Le fer forgé aussi à des étés écarlates...

 

Inévitablement, la vie passera là d'un pas tranquille ou pressé que le lézard reconnaît à cent pas...

 

Un point en rejoint un autre...

 

Coiffé de paille de riz, ce qui va de soi à l'autre déambule parmi les ruelles aux maisons de poupées...

 

Le feu couve parmi les feuilles...

Des fourmis oeuvrent sous leurs arcades vertes, déplacent un monde sans que l'on y prenne garde...

 

Lors, teinte une musique aigrelette à laquelle répondent les grenouilles du marais...

De jardin en jardin volent des notes ailées comme de « grandes demoiselles » ; des notes fragiles de part leur apparence , des notes que guettent certains oiseaux dans l'alibi des feuillages...

 

La flûte ; elle aussi de retour parmi les roseaux ; elle aussi avec ses lèvres de libellules...

Son reflet vermeil sur l'onde frissonnante de plaisir...

 

Le thé chute dans la gueule de dragon !...

 

Le ventilateur a des airs de grand manège !...

 

Partout, l'empreinte, la trace, du policé des gestes.

Le ciel même n'en tient pas rigueur et l'hiver s'y pose comme un vol de grues ou d'oies cendrées...

 

Le matin accroche l'or des colibris à ses oreilles...

D'autres sèves encore et bien d'autres écorces...
Et tant à circuler sur le chemin de vie !...

 

Le suc blanc de la blessure...

 

D'autres blessures encore en perles de rosée...

Des pleurs, hier, dans la montagne...

Le ruisseau s'en souvient ; le museau des mufles y trempe don midi...

 

La lampe sous l'auvent...

La lune s'y brûle

aussi, un papillon...

 

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Une main glisse sur le bois rouge...
les yeux ; les yeux qui passent ont leur chiffon...

 

Le marais là-bas et les rizières...

Il a le dos penché, parfois perché, le héron de la parole...

 

La mémoire à son autel, ses bougies, son encens et ses portraits jaunis...
Il n'est que d'allumer la mèche du souvenir...

La fleur et le fruit, sont là, côte à côte et la mort se prolonge, raccompagne ses ombres et ses hôtes jusqu'au seuil...

 

La langue, comme à battre le linge ; la langue comme un roc percuté de lames et d'écume...
Les mots, comme une étoffe qui claque au vent...

 

Se disent des choses et d'autres que recouvrent les neiges et qu'emportent les eaux...

 

L'instant d'après, une flûte joue parmi les claies ajourées...

 

Le doigté sur la peau cherche son chant et sa lumière comme la note son soupir !...

 

Ce sont les vélos qui, au quotidien, tournent la page...

L'automne aussi à son calendrier de feuilles arrachées...

 

Le grillon est au jardin ce que la danse doit au « Maître de Musique »...

 

Embuée est la vitre...

 

 

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En son versant, la nuque se craquelle comme de la faïence quand la flamme est trop vive...

Le temps seul pouvait briser ce vase veinés de rouge et de bleu, mais, la colère ne saurait attendre plus que le feu...

 

La nuit respire ; les moustiquaires filtrent la sueur d'amour...

Un rêve se drape de mousseline blanche...

Il arrive que la nuit quitte son manteau de deuils...

 

Des visages durcis ; les années comme une langue épaisse...

 

La chambre comme une forge ; la chair et son soufflet de cuir...

C'est le secret de la douceur de pouvoir tenir en laisse, des chiens prêts à vous mordre...

La violence est là, c'est certain, qui jappe au creux des mains...

 

L'eau, à même le robinet...

Le poème cependant subsiste qui cherche encore le puits portant sa soif sur ses épaules...

 

Le lin et la soie aussi sur les visages...

 

Les yeux ne sont pas assez grand pour tout donner à voir...

 

 

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Trois boutons sur le chemisier...
deux fleurs s'ouvrent ; s'y pose un baiser

et glisse la chemise et s'épanouissent les roses...

 

La braise sous la fonte où les mets grésillent et fument leurs parfums...

 

Les tuiles contentées de soleil sont comme des chats avec leur arc de jouissance...

 

L'instant extrême du geste, de la pensée, qui s'accouplent au silence où se conjoignent à l'eau de la parole, aux pluies des lendemains...

 

Qui dira l'entêtement des terres battues à demeurer en droit chemin ?...

Qui déborde le plus ; le fleuve ou les hommes ?...

 

Le village s'arrête là où les hautes herbes se hissent...

 

Au-delà sont les lianes et la forêt profonde...

 

Le futur prend son temps, affûte sa machette...

Aujourd'hui, et pour longtemps encore, sèche sur le fil et s'essore goutte à goutte...

Un chapeau de paille ;

l'été est entré sous la véranda...

Le chapeau sourit...

 

 

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Crue est la lampe ; le regard de même...

Il n'est que de choisir : la paupière ou l'abat-jour...

 

Le linge sur la corde comme un peu de vie suspendue et en attente comme tout ce qui aspire au parfum et à la blancheur...

 

Tout est là, l'air de rien !...

 

Les feuilles implorent l'orage et les filles, l'amour...

 

le coffret vide de ses perles...
Le jour tarde à se lever...

Des rires encore dans les bambous...

 

Air sec...
Poussière sur les choses...
Soudain, la pluie seule sur les joues...

 

Une pièce que rien n'encombre... La pensée seule, source de désordre...

 

Il n'est qu'une chanson entre la femme et l'eau, le plaisir et son bain, le passé et l'enfance...

 

Dans la coupe, la rondeur souriante des pamplemousses...

Si la faim est ailleurs, la soif se tient toujours au dedans...

 

 

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(Je n'ai pas de maison, pas de lit pour t'étendre, juste des volets bleus.)

 

Les doigts lisent le relief, là où les lèvres se rendent aveugles...

Parfois le sang pousse devant lui un grand troupeau autant vif que docile de petits cris furtifs selon ce qui le mène aux rives de ses attentes...

 

Il est, au bord des vases, des chrysanthèmes inquiets !...

 

A l'intérieur du fruit, un autre fruit... Mais, l'Arbre, où est-il ?...

 

Le jour se tient, enroulé sur lui-même.
La nuit en défait le chignon...

 

 

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Qui osera affirmer qu'une femme se dénude tout à fait ?...

Fou est celui qui croît pouvoir vider la mer comme on vide un étang !...

C'est bien assez des coquillages rejetés à la côte qui nous donnent à entendre ce que savent mais taisent nos cœurs...

 

Quelque chose vient, quelque chose s'achemine...

 

Quelque choses est entré...
Des sandales posées, là dehors...

 

Demain est appuyé sur la balustrade..
Demain et son cortège d'ombres avides de lumière...

 

Des allées et venus comme des vols de martinets...
Demain déjà là... Et ses poèmes dans leur nid...

 

Le vase, désespérément seul...

Les eaux aux retenues du cœur ; le désir sans déversoir...

La fleur comme la femme, la femme comme la fleur...

 

 

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Des piliers dans la maison...
Des piliers qui charpentent le vivre...

Beaucoup d'effort pour soutenir les propos du silence...

 

Parfois ce silence est si propice que l'on se prend à rêver à des carpes musiciennes !...

 

Qui pourrait soutenir un regard quand, de lui-même, ploie le jour ?...

 

S'effacent les paysages d'enfance...

Demain porte les valises...
Demain va devant, si loin devant !...

 

Le Bouddha assit en lotus...

le lotus sagement éclot...

Qui dira le tumulte de la chambre dorée ?...

 

L'absence aussi est une prière !...

 

 

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Le jardin découpé en fins morceaux ; les saisons et les couleurs ; les couleurs et leur parfum...

Tout cela sur un plateau porté entre soleil et lune...

L'arc-en-ciel à bon appétit !...

 

Entre nonchalance et insouciance le feu couve au-dessus des nuages...

La nuit s'avance, elle, a saut de crapaud...

 

Cela arrive quand l'ombre portée du jour se révèle être la lumière insoupçonnée de la nuit...

 

Le piano joue des partitions que le silence retranscrit à sa façon sur l'insistance du sang et de la pluie...

 

Cette présence à laquelle on ne fait pas attention, pas plus que quand se fane la fleur de chèvrefeuille...

 

Là où tout s'entête et où seul le parfum subsiste...

 

Les rêves comme l'encens brûlent pour des visages que la flamme n'oublie pas...

 

 

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Frayeur de ce qui se cherche et se trouve moins effrayant sans doute que l'amour qui se refuse ou ne se retrouve pas...

 

Du rouge sur les lèvres...
le sang s'en vient à en appeler au sang...
Le drap craint pour sa blancheur...

La peur portant entrouvre ses jambes...
La peur à son estuaire, son rendez-vous de sel et d'écume...

Lors, la source clame son océan...

 

(Moi, je donnerais la pluie et mon épaule nue pour entendre un cœur battre le flux de mes secondes.)

 

L'homme, sans bruit, là dans le couloir...

La femme serrant contre elle cet enfant dont elle ne sait le nom, mais qui s'en viendra au monde...

 

Une porte se referme comme un avis de tempête...

Quelque chose ou quelqu'un s'apprête au naufrage...

Une fleur d'orchidée tombe de sa hampe... Sur le bois d’ébène une offrande rose et blanche...

 

La nuit aussi à connaître de ces noces...

 

Sur tout cela, le Bouddha se fait aussi muet que son sourire !...

 

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Empreintes : Bran du

 

 

Inspiré de In The Mood For Love : …

 

Au temple de l'amour, j'ai bouché la bouche d'ombre avec des mots qui s'en voulaient mourir dans un parfum de lèvres closes...

 

Saccades et crescendo...

L'archet sur le satin du silence...

Le feutré d'un velours, à petit pas et en viole de gambe,

sautille avec la pluie sous le regard des carreaux...

 

Volutes dispersées narrant en leurs fumées le désir et l'attente...

 

D'un point à l'autre, l'attouchement frôle l'éminence...

La paume cherche son épicentre...

 

Toutes les ambassades là, dans cette paume...

 

Le corps, hissé comme pivoine...

 

Les saisons se mêlent aux hanches jointives et tourbillonnent sur elles-mêmes...

 

La rosée des yeux surprises jusqu'en la nuit...

 

La femme ployée offre son fruit...

 

Là où les murs sales ont l'audace d'afficher leurs couleurs, là au bout de se couloir où se croisent et se heurtent les étoffes froissées du vivre, la lumière même se fane...

 

Des anges invisibles font l'annonce des deuils à venir...

 

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En écho au chant de la Fidèle Chunhyang :

 

« Tu es tout mon amour.

Quand tu mourras devient fleur ; fleur de poirier qui éclot au printemps.

Quand je mourrai, je deviendrai papillon...

Par un beau soir de printemps, si je danse ; danse autour de toi, alors tu sauras que c'est moi...

 

Si la fleur se fane, le papillon n'ira plus la voir.
Je ne veux pas devenir une fleur.
 »

 

(Récit coréen chanté appelé Pansori)

 

 

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Le pavillon du nénuphar repose sur des piliers rouges...

Sur toi, reposait la force de mon sang...

De ma vase, ta fleur prenait racine...

 

Ta beauté estompait les brumes...

Plus rien n'avait de voile quand je te soulevais jusqu'au ciel...

 

J'écoutais tes paroles comme des pas dans la neige, comme se courbent les brindilles entortillés de flamme...

 

J'allais de versant en versant, de colline en colline, cherchant

l'enrobée de ta lumière...

 

Nous avions alors une livrée noire et blanche...

Des grues se posaient sur nos épaules...

Le vent nous volait nos rires de cerisier...

 

Nos désirs s'ajustaient comme des dominos...

 

Le saule de nos corps jouissait de toutes nos envolées d'oiseaux...

 

Tu étais nue et ronde comme la pierre qui roule sous la vague...

 

« Si les oies sauvages suivent la mer et le crabe, le rivage, le papillon doit suivre la fleur. »

 

Plus ne sont tes seins à percer les brumes...

Le temps à renouer la natte au ruban rouge...

 

« Yin, la terre, l'ombre, la femme...
Yang, le ciel, le soleil, l'homme...
 »

 

Tout ces appels à se conjoindre !....

 

Quand je nous chante, mon cœur m'accompagne au tambour !...

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Autres films vivement recommandés :

 

Printemps, été, automne, hiver... De Kim-Ki-Duk

et

Ivre de Femmes et de Peinture de Im Kwon-Taek

 

 

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Du Haïku :

« C'est un court poème composé de trois vers et de dix sept syllabes, généralement réparties en cinq, sept et cinq « pieds »...

Mais le haïku est beaucoup plus que cela...

 

Il dépeint et exprime une petite scène de la nature dont les acteurs sont des arbres, des fleurs, des rivières, des montagnes, des lacs, des rochers, parfois des animaux – souvent petits voire minuscules - (papillons, puces, libellules, escargots), et parfois aussi, pourquoi pas, des humains !

 

Tous ces petits acteurs très variés cohabitent dans ces textes pour nous faire vivre un événement d'apparence modeste, enfoui dans le quotidien de l'existence mais qui dévoile pourtant une chose si immense ou si banale que cela devient d'une rare importance...

 

Le haïku peut prendre aussi l'apparence d'un mystère, à peine entrevu, quand il parvient à éclore, où la réalité, un bref instant, risque de nous échapper.

 

Le haïku nous dépeint surtout la nature en exprimant ce qu'à chaque instant la vie implique en essence ; c'est-à-dire le continuel changement des êtres et des choses, appelés en japonais RYU-KÔ, mais aussi leur non-changement apparent, appelé FU-EKI.

Ainsi, selon Bashô, cette forme de poésie doit comporter trois qualités essentielles :

L'usure inexorable du Temps.

La découverte subtile, dans son essence, de l'entité dépeinte, afin de faire naître l'étroite relation entre le poème et la nature.

La coexistence, dans la nature, de l'impermanent et du permanent, lesquels sont finalement la trame de l'instant présent.

 

Sous l'apparence imposée pas nos sens limités, le haïku fait ressortir la quintessence des êtres et des choses.
Il est simplement l'existence même dans ce qu'elle a de passager, de fugitif, mais aussi de permanent avec tout ce que cela entraîne d'émotions, de sentiments, de non-dits dans le carcan des mots qui les suggèrent...

 

Le haïku n'embrasse pas la réalité, il la caresse, il nous fait ni voir ni entendre ni toucher ni sentir mais subitement percevoir, la réalité de la nature est son champ de perception du monde. »

 

Philippe BREHAM

 

 

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« Le haïku demeure très « fragile. », il ne supporte pas qu'on le théâtralise, ni qu'on le danse ou qu'on le rende mystique.
Il faut trouver le moyen de l'extraire du temps et de lui donner le silence comme partenaire. Son espace se situe dans l'écho, il n'a pas de début ou de fin, il est. »

Il résonne dans l'âme et se dissout dans la tête, là où le Temps et la Matière ne dont qu'un. Il ne se commente pas. »

Albert SAXER

 

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Le voleur a tout pris

sauf la lune

à la fenêtre. (Bashô)

 

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Bashô lui-même n'hésitait pas à s'affranchir des règles métriques.

 

 

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04/08/2016
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